LA CUISINE ARMÉNIENNE DE PIERRETTE

LA CUISINE ARMÉNIENNE DE PIERRETTE

Qu’est-ce qu’on mange à midi ?

La cuisine arménienne est le fruit d’un héritage familial ancestral transmis de génération en génération par nos mères et grands-mères. Il n’existe pas une cuisine arménienne, mais plusieurs. Tant un plat peut avoir une recette et des versions différentes d’un pays à un autre. Maman a coutume de dire : « la cuisine arménienne, c’est bon, c’est vite mangé, mais c’est très long à préparer ! » Je la revois encore se lever aux aurores pour nous préparer des dolmas aux légumes, un kechkek, des boumbas, des bamias ou enrore un manti !

Si Proust avait une madeleine, j’ai eu la chance pour ma part d’en avoir plusieurs. Autant que les 101 recettes de ce livre qui me rappellent tant mon enfance : le parfum subtil de la fleur d’oranger et des graines de nigelle lorsque ma grand-mère faisait des tcheureks pour un régiment et qu’elle étalait ses brioches tressées sur le lit ; les effluves d’aubergines grillées au four, puis farcies à la viande hachée quand maman me cuisinait mon plat préféré ; et enfin, les senteurs fraîches et herbacées de persil, de menthe ciselés et d’oignons nouveaux du taboulé de ma tante Anaïs, lorsque nous lui rendions visite à Valence.

La cuisine arménienne se veut généreuse. En famille ou avec avec des invités, il n’y a pas de service. Personne ne se lève pour récupérer une marmite ou un plat. La raison est simple, tout est déjà sur la table : des mézzés aux entrées, en passant par les plats principaux et les desserts. Lorsqu’on reçoit trois convives, on cuisine pour six. Six, pour douze, etc. Après les senteurs, il me vient à l’esprit les images. Celles de nos tablées gargantuesques sous les glycines de notre maison marseillaise à Beaumont : les parents et grands parents, les tontons, les tatas, les amis. Personne ne manquait à l’appel. On riait, on buvait, on mangeait jusqu’à pas d’heure en entendant crépiter les braises du barbecue géant sur lesquelles s’enflammaient les brochettes d’agneau et de poivrons. Nous débutions par un apéritif festif en dévorant les mézzés : dolmas aux feuilles de vigne, beureks, basterma, soudjour, olives kalamta, baba ganoush, houmous avec l’incontournable pain lavash. Comment avoir faim après tout cela ? C’est un grand mystère mais qu’importe ! Nous continuions avec les entrées : salade d’aubergines grillées aux oignons nouveaux, taboulé, salade de concombres et de tomates, salade de pois-chiches, plaki, et beignets de courgettes… Certains se seraient évanouis d’indigestion. Mais il fallait bien faire honneur aux plats de résistance : bamias, riz pilaf, boulgour au poivron vert, pizza arménienne, tchi keuftés et les succulentes midias, moules farcies au riz. Bref, nous devions ensuite garder juste un peu de place pour les tranches de pastèques, les baklavas ou les khourabiés à l’heure du café.

La cuisine arménienne est aussi le fruit d’un héritage culturel, berceau d’échanges réciproques de recettes et de traditions culinaires. C’est la raison pour laquelle, un mezzé, une entrée, un plat, un accompagnement ou un dessert peuvent être communs à la gastronomie grecque, libanaise, géorgienne, russe ou tout simplement d’une région du Caucase. C’est ce qui en fait toute sa richesse et sa diversité.